La Communauté d’Agglomération du Val d’Europe face à son surdéveloppement touristique. Le saviez-vous ? La moitié des logements Airbnb de Seine-et-Marne sont situés entre Chessy et Serris. Complètement démunis, les élus tirent la sonnette d’alarme. Le jeudi 14 décembre 2023, Patrice Vergriete, Ministre délégué au logement, s’est rendu à Serris pour échanger avec les élus et les habitants. Une problématique en ligne de mire : la cohabitation souvent difficile entre les habitants et les touristes.
Une visite ministérielle très attendue. A la tête du cortège (et des revendications), Philippe Descrouet, Maire de Serris, accueillait Patrice Vergriete entouré par les élus de la Communauté d’Agglomération du Val d’Europe pour présenter au Ministre : le territoire et leurs problématiques. « Aujourd’hui, on construit du logement (et beaucoup de logements) parce qu’on nous demande de le faire, on est contraint de le faire. Très régulièrement, une partie de ses logements sont consacrés à Airbnb. On nous expliquait que quand même des gens partent, ils revendent à des gens qui allaient faire du Airbnb. On a des taux qui peuvent frôler en moyenne les 20-25% sur l’ensemble du centre urbain (Serris, Chessy). » En d’autres termes, les habitants ne parviennent plus à se loger sur le territoire. Ils trouvent plutôt un logement à plusieurs dizaines de kilomètres de leurs emplois. Pourquoi ? Face à l’afflux touristique, le prix du mètre carré s’envole. « C’est très dommageable pour nous. Tout ça, ça nous contraint à avoir une politique de prix (au niveau du foncier) qui est extrêmement élevée. On atteint les 5 000 ou les 6 000 euros du m², c’est la même chose pour le locatif. Tout le monde est obligé de partir à 20-30km… Petit à petit, on va devenir une ville touristique avec des pseudos hôtels (et non plus avec des habitants et des équipements publics). » Une situation qui ne peut plus durer pour les élus du territoire.
Quelles sont les attentes des élus ? Régulièrement sur le front, les élus tentent de faire barrage à la multiplication des logements en Airbnb. Sans protection juridique, leurs décisions sont souvent retoquées. Que doit faire le gouvernement ? « On ne va pas accabler le gouvernement, on a aussi l’Europe derrière, on parle de beaucoup d’argent (avec le lobbying international). On attend surtout une aide. Nous les maires, on est complètement démunis. La Communauté d’Agglomération a voté un texte pour redurcir les règles d’accès au Airbnb. A chaque fois, on est attaqué et on a une législation qui n’est pas véritablement en notre faveur. On attend du ministre et du Parlement qu’ils puissent modifier les textes pour nous donner les moyens de légiférer. » Après un long entretien en mairie, le Ministre délégué au logement a rencontré le Président d’un syndicat des copropriétaires, lui-même sur le départ. Pourquoi ?Une cohabitation impossible avec les touristes. Triste coïncidence… La visite a été ponctuée par les entrées et les sorties de touristes. « C’est très difficile de faire côtoyer des citoyens qui se lèvent à six heures du matin pour travailler (et qui ont besoin de se coucher vers 11h) quand d’autres vont à Disney et rentrent à 23h ou minuit. Ils font du bruit. » Des vacanciers qui font la fête et qui détériorent souvent leurs logements du week-end. Les habitants fuient le territoire. Ils se retrouvent donc dépendant de leurs véhicules avec un salaire souvent pas assez élevé.
Quels sont les leviers d’actions envisagés par le gouvernement ? En visite, Patrice Vergriete a fait la promotion d’une proposition de loi transpartisane menée par Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz. « On est aux côtés des maires. Aujourd’hui, nous soutenons la proposition de loi de Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz à fond. Il s’agit de donner aux maires : un outil de régulation juridique sécurisé. Quand ils font des règlements, ils sont attaqués en justice. Généralement, ils n’arrivent pas à être couronnés de succès. Aujourd’hui, l’idée est de donner des outils de régulations publiques aux maires de manière à contrôler le surdéveloppement des meublés touristiques. A un moment donné, ça suffit ! » Les élus peuvent-ils redéfinir certaines opérations immobilières avec des logements résidentiels ? « Aujourd’hui, c’est un élément de la proposition de loi de Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz de donner la possibilité que de nouvelles constructions soient à 100% des résidences principales. Il y a la régulation des meublés touristiques et il y a l’idée qu’on réserve un programme de logements neufs à 100% de résidences principales. Le gouvernement soutient cette idée parce que ça donne une solution supplémentaire pour loger les salariés qui travaillent ici. » Aujourd’hui, la mission semble quasiment impossible. « A un moment donné, c’est peut-être bien de laisser la place à ceux qui ont des petits salaires et qui méritent d’être pas trop loin de leurs emplois. C’est un combat personnel que je mène. Voir les catégories populaires ou moyennes à 50-80km de leur emploi, ça ne me va pas. J’ai envie que les gens puissent se rapprocher de leur travail, c’est l’un de mes combats. » L’outil juridique qui devrait protéger le territoire entrera en vigueur en avril prochain.
Le territoire est entendu par le gouvernement. Un soulagement pour Philippe Descrouet ? « Déjà, je suis satisfait d’avoir la visite de notre ministre sur notre territoire, première destination touristique d’Europe et donc le territoire le plus touché. La moitié des Airbnb de Seine-et-Marne se trouve sur Serris et Chessy… ça fait beaucoup pour un territoire de plus d’1,4 million d’habitants. Satisfait d’être entendu et d’être écouté, je sais que le ministre seul ne peut pas forcément faire ce qu’il veut. J’espère que le Parlement (quelque soit sa couleur politique) sera à l’écoute des citoyens. Franchement, les gens n’en peuvent plus. » Une protection juridique qui devrait éviter les débordements. « On sait que la police intervient dans des logements où ça peut finir avec des agressions entre les uns et les autres. » Une situation devenue ingérable pour les policiers qui ont des moyens limités. Les touristes étant de passage, les situations peuvent se répéter sans que ce soit les mêmes personnes.
L’outil juridique devrait entrer en vigueur en avril prochain. Une aide qui devrait aider la Communauté d’Agglomération du Val d’Europe à protéger son territoire.