La Communauté d’Agglomération du Val d’Europe face à son surdéveloppement touristique. Le saviez-vous ? La moitié des logements Airbnb de Seine-et-Marne sont situés entre Chessy et Serris. Aujourd’hui, les habitants peinent à se loger sur le secteur (pour se rapprocher de leur travail). Après avoir accueilli le Ministre délégué au logement en décembre dernier, les élus ont voté une réglementation lors du Conseil Communautaire. Entrée en vigueur en juin dernier, elle devrait se durcir au 1er décembre prochain. Explications.
Meublés touristiques, les élus sonnent la fin de la récrée. Airbnb, Booking ou même Abritel… Le secteur du Val d’Europe est un véritable vivier pour les agences touristiques. « Quand on a fait l’inventaire du nombre de meublés touristiques, on s’est rendu compte qu’ils étaient tous concentrés sur Serris (centre-urbain) et Chessy (centre-urbain), à proximité du RER A et du parc Disneyland Paris. » Au quotidien, la cohabitation est difficile entre les habitants et les touristes. Le jeudi 14 décembre 2023, les élus ont voté une nouvelle réglementation sur les meublés touristiques. « On a fait une réglementation spécifique à cette zone-là qui impose aux gens qui seraient des entrepreneurs (avec un registre du commerce pour cette activité) de compenser pour un logement qu’ils metteraient en location ‘meublé touristique’, ils ont l’obligation de transformer un local en logement ou d’acheter un titre de commercialité auprès d’un tiers (ce qui n’est pas facile sur le secteur). » Une réforme qui entre en vigueur dès le 1er décembre 2024. « L’objectif pour nous, c’est de faire en sorte que la moitié du parc de ces gens-là puisse revenir à l’accession à la propriété (accueillir de nouvelles familles) ou de revenir dans le marché locatif. » Cette réglementation s’applique également au niveau de la ZAC des Studios et des Congrès et de la ZAC du Pré de Claye.
Chessy/Serris, deux communes ciblées par les meublés touristiques. En dehors du centre urbain des communes de Serris et Chessy, d’autres règles s’appliquent. « La réglementation les oblige à faire une demande de changement d’usage par une autorisation au préalable. Ensuite, ils ont une autorisation. Ensuite, ils ont une autorisation par demandeur, seulement une seule. Ils ont une durée provisoire du temps de l’activité de location de ce bien. Là, on est principalement dans les bourgs de Chessy et Serris. » Magny-le-Hongre, Coupvray ou même Bailly-Romainvilliers… Sur toute la Communauté d’Agglomération, les élus seront vigilants. « Là, la réglementation est beaucoup moins draconienne parce que la proximité avec le parc n’est pas la même, l’attractivité non plus, la réglementation est moins conséquente. Là, on demande seulement un changement d’usage au préalable (en vigueur depuis le 1er juin). » Vous venez d’acquérir un appartement pour en faire de la location touristique ? Il faut le déclarer immédiatement sur la plateforme declaloc.fr. « Les particuliers peuvent faire du meublé touristique, on ne l’interdit pas. Par contre, c’est limité à un appartement par nom personnel (et où que ce soit). Monsieur Dupont ne peut avoir qu’un appartement en meublé touristique à Serris. Il peut en avoir un deuxième sur une autre commune mais pas à Serris. » Les personnes qui avaient deux biens en meublés touristiques devaient impérativement en remettre un sur le marché. « Ils avaient un temps nécessaire et suffisant pour vendre leurs biens. C’est la même chose pour les entreprises qui avaient entre six et douze mois (selon le nombre de Airbnb en leur possession et leur géolocalisation) pour vendre ce biens ou en faire du locatif. » Une réglementation qui devrait permettre aux entreprises locales de loger leurs employés sur le secteur.
Une bataille juridique remportée par le Val d’Europe. Voyant son secteur phare attaqué, les agences touristiques ont toutes tenté de retoquer cette réglementation. « On a déposé cette réglementation, elle a été actée et votée en décembre 2023. Le lobbying Airbnb et les agences qui vivent de ça, on attaqué notre réglementation. J’ai été défendre nos intérêts auprès du tribunal de Melun. Le juge a rendu son verdict et il nous a donné raison. Il y a eu un appel, il a été rejeté. Aujourd’hui, on a une réglementation qui est définitivement valable et applicable. » Le juge a estimé que cette réforme répondait à une problématique territoriale : la pénurie de logements. « Petit à petit, on va créer ce que j’appelle ‘une police du Airbnb’ qui viendra vérifier les appartements (en location classique ou en activité touristique). Quelque chose qui n’est pas déclaré, c’est comme si vous ne déclariez pas vos impôts (ou les travaux dans votre maison). L’agglomération va mettre des moyens en place, ce sera par des contrôles humains, on est en train de travailler sur les modalités. » Aujourd’hui, les sanctions sont sévères. Si vous n’avez pas fait votre changement d’usage, vous risquez jusqu’à 50 000 euros d’amende. Vous avez deux ou trois biens ? L’amende concerne chaque logement. Jusqu’à ce que logement soit remis en ordre, il peut y avoir la mise en place d’une astreinte : 1 000 euros le m² par jour. En cas de fausse déclaration, vous risquez 80 000 euros d’amende. Si les loueurs ne possèdent pas de numéro d’enregistrement, ils risquent jusqu’à 5 000 euros. « On va être de plus en plus vigilant et exigeant. » prévient Philippe Descrouet.
La cohabitation difficile entre les touristes et les habitants. Malgré l’attractivité du territoire, les familles prennent malheureusement une décision difficile : celle d’un déménagement. « Quand vous achetez un appartement à 5 000 ou 6 000 euros du m², que vous avez un voisin à droite et un autre à gauche qui pratique le meublé touristique, ça devient insupportable pour tout le monde. » Des vacanciers qui font régulièrement la fête… et qui créent des désordres. Quand les habitants décident de déménager, les logements sont souvent repris par ceux qui font du Airbnb. Une situation qui devenait invivable ! « Dans la convention avec Disney, l’Etat nous impose de construire des logements, on en a besoin parce qu’on a un manque cruel de logements, on en construit. On voit 20% de ses logements qui sont convertis en meublés touristiques. Du coup, on est obligé d’en construire beaucoup plus. » Aujourd’hui, les habitants n’ont plus accès à des logements sur le secteur à des prix abordables. Les plus jeunes rayent automatiquement les communes de Chessy ou Serris de leur carte ! Une perte pour le territoire… « Le phénomène Airbnb fait que Serris et Chessy sont les deux territoires les plus chers de Seine-et-Marne, les cinq rues les plus chères de Seine-et-Marne sont à Serris et Chessy. C’est peut-être un gage de qualité mais pour autant, ça rend tout inaccessible. » Avec plus de 46 000 emplois sur le territoire (pour près de 55 000 résidants), la pénurie de logement se fait ressentir. Les habitants trouvent souvent un logement à plusieurs dizaines de kilomètres de leurs emplois. Et ils dépendent donc de leurs véhicules !
La Communauté d’Agglomération aux côtés des habitants. Comme de nombreuses grandes capitales européennes (ou villes touristiques), le territoire du Val d’Europe a choisi de préserver ses riverains. « On met tous les moyens en œuvre, non pas qu’on est quelque chose contre les gens qui font de l’activité Airbnb, Booking ou autre. Il faut simplement qu’il y ait du respect, une réglementation s’impose. » Le phénomène grandissant autour du Airbnb a bien été compris par certains entrepreneurs. « On peut se comparer à Barcelone sur un point, on est la première destination touristique d’Europe, bien avant Barcelone. La maire de Barcelone n’en peut plus, ils ont mis plein de dispositions en place jusqu’à interdire la pratique de cette activité (dans un certain rayon). Nous, on essaye d’alerter les pouvoirs publics. On a des projets de lois qui sont sur le bureau du ministre (la loi logement). » Des propositions pour notamment définir des zones dédiées à la location touristique. « Encore une fois, il faut que ça se passe selon le respect d’une réglementation. Nous, on l’a mis en place. On fera tout pour qu’elle soit respectée. » Une situation qui était devenue ingérable pour les policiers qui avaient des moyens limités.
Entrée en vigueur au 1er juin 2024, cette réglementation devrait permettre à la Communauté d’Agglomération du Val d’Europe de protéger son territoire.